Gustave de Staël,
Une fluidité de peinture irrigue le souvenir d’une trop grande sècheresse

Sur le blanc des murs du grand atelier domine le ton vert d’une palette claire. A travers la fraîcheur des dernières peintures, je découvre un ensemble d’une parfaite cohérence esthétique. Précision du dessin au conteur d’une vision entière.

La visée première de ce travail situe tout un vocabulaire de formes, dans un espace où l’impression de liquidité, de limpidité domine et s’inscrit dans la « durée ».

La peinture de Yamou nous conduit à travers un paysage inventé. Il nous convie à la découverte d’une flore. Du bout d’un pinceau très fin, il élabore le dessin d’une plante dans lequel il entre si profondément, avec minutie, dans un parterre qui restera le lieu primordial et le plus secret du tableau. Sa main aménage une infinité de passage, de nuance, parsème sa toile de visions que son imagination lui souffle.

Le peintre fait le relevé des éléments survenus sous sa dictée. Il égraine des composantes qui rêvent de floraison, de grandes graines aux formes arrondies  gardent en gestation une part de l’énigme. Le mystère de se retrouver hors du végétal en attente d’une nature. Peintures à rapprocher d’un paysage lacustre qui semble avoir toujours existé.

L’atelier a quelque chose du laboratoire. Les composantes qu’il met en œuvre posent la question des signes. Le peintre maîtrise entièrement une figuration à l’image concrète qui vient clairement de ce qu’il a toujours ressenti. Son monde est «  sous les eaux » d’une lumière calmée par le filtre liquide.

Yamou semble avoir immergé son œil dans les lois optiques. Cette immersion lui offre une diversité d’éléments de composition qui créent une profondeur en apesanteur.

Le végétal marin revêt un caractère hallucinatoire et appelle l’exploration.  Cet univers fantastique fait penser à un détail d’une peinture de Jérôme Bosch. Certaines résonances intérieures à partir d’un « lait blanc » rappellent également certains tableaux de Matta.

Ce qui frappe en rencontrant pour la première fois l’artiste, c’est sa détermination. Sa retenue lui donne une attitude seigneuriale. Une grande sobriété préserve la richesse de son monde intérieur, lui garde sa force et la concision dans le but visuel à atteindre. Yamou semble vouloir ne se laisser distraire par rien, ne pas perdre une minute de son avancée dans le langage des formes.

Il a quelque chose de très mystérieux d’être ainsi dans l’infini d’un champ figuratif singulier de plantes, de graines, d’herbes… et la recherche de la fertilité de la peinture comme si étant originaire du désert il ne se lassait pas de donner à voir toute une flore qui ouvre les yeux à la sècheresse…

Mais n’est-elle pas ainsi tenace à la mémoire quand on a quitté l’atelier, cette plage d’une couleur totalement différente – un rouge intense sur lequel s’inscrit l’écriture arabe. Un rouge proche de celui qui enflammait alors certains murs de Pompéi.

Gustave de Staël.

Février 2006,
Catalogue de l’exposition « Yamou » à la galerie Delacroix, Juin-Juillet 2006.